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Manager comme …

Manager comme … un Bobeur

Réflexions sur le travail d’équipe à partir du film Rasta Rockett

Derice Bannock est un sprinter jamaïcain qui s’apprête à aller aux Jeux Olympiques d’été de 1988. Son rêve est d’égaler son père Ben Bannock, champion du 200 mètres à Mexico vingt ans plus tôt.

Malheureusement pour lui les sélections nationales ne se passent pas comme prévu et il échoue.  A force de persévérance il va tout de même réaliser son rêve de Jeux Olympiques et réussir à monter une équipe qui partira aux JO d’hiver de Calgary en 1988 en catégorie… bobsleigh à quatre.

Rasta Rockett est une comédie des années 90 devenue culte. Servie par une bande originale tout en gaieté, et malgré la présence de personnages assez caricaturaux, elle est remplie de scènes et de répliques inoubliables.

Si le film a connu un tel succès c’est probablement parce qu’il aborde des thématiques universelles telles que l’amitié, l’espoir ou encore le dépassement de soi.

Si le film nous intéresse aujourd’hui, c’est en raison de sa vision du héros et de sa proposition : n’importe qui peut transformer ses échecs en actes flamboyants.

Analysons donc ensemble les conditions de cette transformation et les éléments collectifs déterminants dans cette réussite :

1)Une fois encore (voir mes précédents articles) le point de départ de l’équipe est la réunion de personnalités différentes avec des motivations différentes : Yul Brenner veut quitter le pays (et s’offrir un palais), Junior Bevil veut s’affranchir du carcan familial, Sanka Coffie suit son ami Derice Bannock, qui lui poursuit son rêve. Et pour « faire équipe » ils vont affronter leurs désaccords et trouver un équilibre entre les objectifs individuels et l’objectif commun. On note au passage un point de bascule dans le film quand ils décident de donner un nom à leur bobsleigh, qui fixera de manière symbolique cet objectif commun.

2)La métaphore de « tout le monde dans le même bobsleigh » (qui change un peu du traditionnel « tous dans le même bateau ») est intéressante car elle met en lumière de manière automatique la nécessité d’une rapide coordination entre les membres de l’équipe pour monter à bord. Pour rappel, les quatre coéquipiers doivent pousser le bob et monter dedans en moins de six secondes. Pour optimiser cette coordination, ils doivent répartir les talents dans le véhicule. Les compétences d’un pilote ou d’un pousseur n’étant pas les mêmes, il faut mettre la bonne personne au bon endroit. Et c’est là où le regard extérieur et expert du coach trouve sa plus-value.

3)Une fois l’objectif commun assumé par tous, les rôles répartis et le challenge accepté, il faut ensuite « gérer son énergie ». A l’intérieur de cette idée de « gestion de l’énergie » nous pouvons retrouver plusieurs éléments.

Tout d’abord la persévérance. En effet Derice Bannock doit convaincre le coach Irving Blitzer qui n’est pas en phase avec le projet. On notera cet échange culte entre les deux personnages, le coach disant « Est-ce que l’expression laisser tomber te dit quelque chose ? » et Derice de lui répondre « Rien du tout ».

Après la persévérance, nous pouvons observer la très habile utilisation des émotions. En effet, face au refus du coach, Derice réussit à le convaincre en lui montrant une ancienne photo d’Irvin et de Ben son père. Ce souvenir positif réveille alors le goût de la victoire chez Irvin. Dans un projet ambitieux il y a forcément une dimension de rêve.

Le troisième point concerne les rituels et la nécessité de s’arrêter à chaque étape. Il est bon de se rappeler que le succès prend du temps et que vouloir « aller trop vite » et « vouloir gagner à tout prix » conduit souvent à l’échec. Une fois cette leçon acquise, l’équipe change d’attitude et décide de célébrer les succès et ses « petites » victoires. Les bobeurs développent également leurs rituels d’équipe, que ce soit leur chanson ou leur mantra juste avant la poussée du bob.

4)Maintenant que les points d’appui sont posés, l’équipe doit intégrer que les difficultés font partie du chemin. Elle doit en effet affronter les équipes rivales qui se moquent d’elle, puis les instances suprêmes qui trouvent que c’est une blague. Face à la provocation des concurrents, Irvin rappelle de manière ferme et sécurisante que « c’est moi que vous écoutez ». Irvin qui a ses propres difficultés à gérer puisqu’il doit affronter Kurt Hemphill, son ancien entraineur, qui cherche à se venger d’un passé douloureux de trahison. Et puis Junior Bevil doit s’opposer à son père lors de la fameuse réplique : « Tu n’as pas fait ce que je te demande mais tu feras ce que je t’ordonne ». Ce qui est bien montré dans le film est la façon dont la solidarité se met en place, justement dans les moments difficiles. Le point culminant en sera la scène finale du film que nous laissons à chacun la joie de voir ou revoir.

Rasta Rockett est une ôde à la persévérance, au rêve et au panache. Il démontre la puissance du cercle vertueux, changer les relations pour changer les résultats. La transformation de l’équipe sera le retour aux racines. Appelons cela l’authenticité. Quand l’équipe va trouver son style, à savoir « pratiquer un bob jamaïcain » (au lieu d’imiter le style allemand), tous les comportements et les décisions sonneront juste.

Et en conclusion ce film nous délivre ce précieux message :  les limites sont parfois seulement dans nos esprits et nos habitudes. La preuve on peut faire du bobsleigh en étant jamaïcain.

Manager comme …

Manager comme … le Tracassin

Réflexions sur les relations humaines à partir du film le Tracassin

Nous sommes à Paris au début des années 60, André Loriot, le personnage joué par Bourvil, est l’assistant du Docteur Clairac au sein d’un laboratoire produisant des pilules pour « entretenir la bonne humeur ». Le film nous emmène dans la journée folle du 19 septembre d’André où une série de petites tracasseries s’accumulant dans un agenda déjà chargé, il en viendra à consommer les pilules qu’il vend et à perdre de vue son objectif : trouver un appartement pour s’installer avec sa fiancée, Juliette.

Les trois erreurs d’André qui le transforment en « Tracassin »

1° Subir le quotidien

Le film ayant pour sous-titre « les plaisirs de la ville » le ton est donné assez rapidement : nous sommes dans une critique de la vie urbaine. Il est donc normal que le quotidien nous y soit présenté comme particulièrement désagréable. Entre les nuisances sonores (le concert des poubelles et les bruits de chantier), la circulation (les embouteillages, les accrochages, le casse-tête pour trouver une place de parking ou pour retrouver sa voiture quand elles se ressemblent toutes) et la surpopulation (le restaurant du midi est plein, la difficulté à se loger, devoir faire la queue à la banque) ; la journée du pauvre André semble bien oppressante. La spirale infernale de la surcharge se referme ainsi : plus il subit les évènements, moins il s’arrête pour dire stop ou faire une pause et moins il s’arrête, plus il subit. Dans une journée où il n’est prévu aucun moment pour soi, le risque est fort de se retrouver épuisé.e le soir.

2° Faire (trop) plaisir

André doit, en plus de son travail et, dans la même journée : rendre service à son patron, trouver de la layette pour la naissance de sa nièce, contenter les clients (notamment un personnage imprévisible Mr Van Houten homme d’affaires hollandais), conduire une femme sur le point d’accoucher à l’hôpital, s’occuper de Juliette et trouver un nouvel appartement. Une fois la liste ainsi posée elle nous apparaît rapidement comme une sorte de mission impossible et d’échec programmé. Il est fort probable que ce personnage soit animé de manière forte par un désir de faire plaisir et rendre service. Ce qui peut s’avérer problématique car vouloir contenter les autres en ne disant jamais non c’est prendre un risque énorme d’oublier des choses, d’être frustré et de faire des déçus. Ce qui arrivera bien évidemment dans le film. Ce film met en lumière de manière très concrète l’importance de savoir dire non.

3° Oublier de prendre soin de soi et de son corps

Le film décrit de manière parfaite les conséquences sur un être humain « normal » de la surcharge. Ainsi, nous allons assister à des comportements qui ne lui ressemblent pas et qui vont en quelque sorte « le pousser » à commettre des incivilités. Nous pouvons citer les scènes suivantes : forcer une fenêtre pour récupérer ses chemises chez la concierge, se garer en double file et gêner la circulation, être désagréable avec les commerçants et les autres automobilistes, arracher le stylo du banquier, griller les feux rouges et être en conflit avec la maréchaussée. Face à ce trop plein d’émotions, André compense avec ses comprimés de bonheur BH33, présentés comme un régulateur neuropsychique aux effets « Euphorique Stimulant Tranquillisant ». Quoique la promesse soit très alléchante, elle ne sera pas vraiment utile pour résoudre ses tracasseries. Il est bon de rappeler que l’être humain a des capacités physiques et émotionnelles limitées et qu’un vieil adage nous dit que celui qui veut voyager loin doit ménager sa monture.

60 ans plus tard, nous vivons dans un monde dans lequel on peut recevoir un whatsapp disant « je t’ai fait un teams » et le teams disant « je t’ai fait un mail »*. Notre quotidien a-t-il donc vraiment changé ? Tel est le point de départ de cette analyse.  

Quelques antidotes pour ne pas manager comme un Tracassin :

1° Retrouver du pouvoir sur le quotidien

  • Compter le nombre de fois où dans une journée je prononce les phrases « je n’ai pas le temps » et « je n’ai pas le choix » et les remplacer petit à petit par « je termine ce que je fais d’abord » et « je choisis de »
  • Se questionner sur l’importance que je donne aux petits soucis de la vie quotidienne. Pour rappel la définition Larousse de « tracas » est « souci, inquiétude momentanée, dus surtout à des ennuis matériels ».
  • Questionner ses habitudes en gestion des priorités : qu’est ce qui est vraiment urgent ? qu’est ce qui est vraiment important ?

2° Faire plaisir… quand cela est possible

  • Observer la petite voix qui nous dit qu’on peut faire un maximum de choses pour tout le monde en un minimum de temps et… baisser son volume car cela n’est pas vrai.
  • Privilégier la qualité des moments partagés à la quantité. Pour anecdote, dans le film tout le monde mange au restaurant sans se parler car la télévision est allumée.
  • Se rappeler que derrière un non à une demande, il y a un oui à soi-même, à son agenda, à son bien-être. On peut aussi observer que les gens qui disent toujours oui ne sont paradoxalement pas forcément les personnes les plus respectées. Que se serait-il passé pour André s’il avait dit non à certaines demandes ? S’il avait reporté certaines tâches ?

3° Accepter de prendre soin de soi et de son corps

  • Trouver des outils ressources pour faire attention à notre corps. Nous avons la chance aujourd’hui d’avoir à notre disposition aujourd’hui une boîte à outils très pertinente pour améliorer notre vécu : yoga, sophrologie, méditation, hypnose, cohérence cardiaque, etc.
  • Interroger les gens autour de nous sur notre disponibilité car ils sont souvent de bons révélateurs de notre état émotionnel. Attention donc aux alertes telles que « tu ne m’écoutes pas » ou encore « mais pourquoi tu te mets dans cet état ?».
  • Apprendre de ses erreurs. Après une journée épuisante, il peut être utile de prendre du recul et d’analyser ce qui s’est passé. Est-ce que j’ai pu faire tout ce que j’avais prévu ? Est-ce que mes ambitions étaient réalistes ? Est-ce que quelqu’un d’autre à ma place aurait pris les mêmes décisions ?

Pour conclure ces réflexions je reviens au point de départ de ma pratique : pour changer les résultats il faut changer les relations. Et quel est le point de départ des relations saines ? Une communication claire. Le laboratoire qui commercialise le BH33 a pour slogan « la bonne humeur c’est la santé », j’aurais envie d’ajouter que « les bonnes relations c’est la santé aussi ».

*ceci est une histoire vraie

Manager comme …

Manager comme … un chef de guerre ?

(dux bellorum comme on dit en latin)

Réflexions sur le management d’équipe à partir de la série Kaamelott

Article 2 sur 2

Première partie ici

Clef n°4 : une équipe a aussi besoin d’authenticité

A plusieurs reprises dans la série reviennent les questions des marionnettes, des pantins, de la cour, du pouvoir et de la politique de façade. Et en miroir de cela, Alexandre Astier nous présente un univers humain et naturel, respectant la vie avec ses hauts et ses bas. C’est grâce à cette authenticité que les liens entre les membres de l’équipe se créent et se nourrissent. Dans la série, on notera la récurrence des thèmes tels que la solitude et le groupe, la patience et la colère, le succès et l’échec, ou encore l’humour et la mélancolie. Il est également beaucoup question de sentiments, d’émotions et d’histoires d’amour avec des coups de foudre, des ruptures, des réconciliations. Et puis de manière plus globale il faut bien voir que la série entière a été façonnée selon son auteur et son univers. En conséquence, on ne compte plus les références au cinéma : Starwars, Stargate, De Funès, Monty Python, Audiard, Astérix et tous les titres d’épisodes qui correspondent à des titres de films américains ou français. Le succès de la série tient aussi probablement à ce côté naturel de l’intrigue, qui permet à chacun de se projeter.

Axe de réflexion : quels sont mes sujets de conversation à la pause et au déjeuner ?

Clef n°5 : un brin d’humour ne fait jamais de mal

De manière générale l’humour permet de rester en bonne santé, sert à prendre du recul et permet de créer une bonne ambiance. Véritable outil de détente, d’inclusion, de partage, de confiance, de tolérance, de compassion, et même d’amour, l’humour sert à mieux vivre ensemble. Dans le cas de la série nous sommes clairement dans le registre de la parodie. Le cocktail choisi est détonnant : univers moyenâgeux avec des dialogues très modernes, situations surnaturelles voire même absurdes, humour grinçant rempli d’ironie, écriture percutante, anachronismes et décalages en cascade. On peut ici évoquer les jeux de Perceval, le maitre d’armes et ses graines, les apparitions de la dame du lac, Karadoc et son rapport à la nourriture, les tours de Merlin, les répliques du Tavernier ou de Venec, les échanges avec le roi Burgonde, le personnage du Purgateur, des chevaliers qui agissent peu et passent beaucoup de temps à parler ou encore les gags sur l’apprentissage de la lecture. L’humour est utilisé pour traiter des sujets sérieux de façon décalée comme la guerre, la religion, le mariage, la condition des femmes, la dépression, etc. Et puis c’est aussi le ressort utilisé par Alexandre Astier pour rendre attachants ses personnages. Ainsi l’humour devient la question du lien entre les gens. C’est une belle façon d’entrer en contact avec l’autre, d’apprendre, de dédramatiser nos peurs et de se sentir mieux.

Axe de réflexion : quel type d’humour je pratique au quotidien (positif / négatif ; envers moi / envers les autres) ?

Clef n°6 : une équipe doit se développer

Le sixième enseignement qui me semble important est une vision de l’être humain comme ayant un potentiel à développer. En effet, on voit évoluer l’ensemble des personnages au fil des années. Et même si on ne nait pas chevalier ou chef de guerre, on peut le devenir. Toutes les énergies des épisodes sont tournées vers la curiosité, la soif de connaitre, de découvrir, de progresser. Par exemple, il est fréquemment question d’écrits, de manuscrits, de manuels, de salles de classes et beaucoup de répliques opposent ceux qui ne savent pas et ceux qui savent. Expliquer et transmettre son savoir aux autres semble être le fil conducteur de la série. Apprendre semble être le point commun entre tous les personnages. Apprendre à décoder une carte, à jouer à des jeux de société, à compter, à déchiffrer un code, à chanter, à conter, à faire de la musique, à lire, à utiliser la magie ou les lois, à faire du théâtre, à se battre, à manier une épée, à exercer le pouvoir.  Il est finalement intéressant de noter que toutes les saisons de la série s’appellent des livres.

Axe de réflexion : comment est-ce que je construis le développement des compétences ?

Nous venons de poser quelques réflexions sur notre style de management, notre façon de communiquer et d’accompagner à travers les questions de l’organisation des différences, des actions concrètes, des valeurs, de l’authenticité, de l’humour et du plan de développement. Pour conclure ces réflexions je reviens au point de départ de ma pratique : pour changer les résultats il faut changer les relations. Et quel est le point de départ d’une équipe ? la mission commune. Alors pour bien commencer l’année, que nous soyons chef de guerre, chef d’équipe, chef de projet ou chef de chefs, posons-nous cette question : dans quelle quête (du Graal) est-ce que j’embarque mon équipe ?